Jésus Christ et l’Eglise

Higoumène André Wade

On pourrait presque dire : « Jésus Christ est l’Eglise ».  Durant ses vingt siècles de vie spirituelle, l’Eglise orthodoxe est profondément consciente d’être le Corps du Christ, dont nous sommes individuellement les membres (I Cor 12:12).  Car quarante jours après sa résurrection, le Seigneur est monté aux cieux, et encore dix jours plus tard, à la fête de Pentecôte, l’Esprit Saint qui procède éternellement du Père (Jn 15:26) a été envoyé historiquement sur les Apôtres (Actes 1:8, 2:1-4).  Ainsi, c’est l’action de la Très Sainte Trinité qui a constitué l’Eglise, non pas comme une simple assemblée de croyants, comme on pourrait  l’imaginer de l’hébreu qahal ou du grec ekklêsìa, mais comme un organisme vivant, animé par l’Esprit de Dieu.

Il est déjà évident que l’existence de l’Eglise n’est pas simplement le fruit historique d’une organisation humaine.  Elle n’est pas une institution sociologique bien que, naturellement, elle ait des aspects sociologiques.  C’est un organisme divino-humain par lequel les membres participent à la nature divine par la filiation et l’incorporation.  Ceci a lieu initialement par le baptême (vàptisma en grec signifie « immersion, plongée »), qui produit en premier lieu l’identification réelle de l’individu avec la mort, l’ensevelissement et la résurrection du Christ (Rom 6:3-11, la première lecture lors des baptêmes dans l’Eglise orthodoxe).  Ce serait donc une manque grave vis-à-vis des Saintes Ecritures et de l’enseignement biblique que de baptiser autrement que par l’immersion totale, parce que le signe doit correspondre à la réalité spirituelle.

Après le baptême, le don de Dieu doit être scellé – confirmé – par le don de l’Esprit Saint.  Ceci doit être fait le plus tôt possible, car les deux mystères sont intimement liés l’un à l’autre.  Ceci est évident dans les pages de la toute première histoire de l’Eglise (p. ex., Actes 8:15-17).

L’Eglise orthodoxe a préservé l’unité des mystères de l’initiation chrétienne, c’est-à-dire, le baptême, la chrismation et l’eucharistie.  En effet, le néophyte baptisé et scellé par l’Esprit doit encore participer aux Corps et Sang du Christ per lesquels nous renforçons notre nature de membres du Corps du Christ – l’Eglise – et devenons membres et frères de sang les uns des autres.  Augustin d’Hippône, au 4^ème siècle, disait que la formule à l’époque pour administrer le Corps du Christ aux fidèles était « le Corps du Christ », et le fidèle répondait « Amen », reconnaissant – dit Augustin – qu’il était vraiment membre du Corps du Christ.  Voici la dimension ecclésiologique et christologique de l’eucharistie ;  voici où Jésus Christ est l’Eglise.

Si ce Corps est vivant, cet organisme doit avoir une structure organique.  Ceci aussi est prévu dans le Nouveau Testament.  Néanmoins, Saint Paul insiste que le chef de ce Corps est le Christ lui-même (Col 1:18) et que les membres, bien que différents, sont tous d’égale importance pour la vie de tout le corps (I Cor 12:12-30).  Parmi les membres nécessaires pour le bon fonctionnement du Corps il y a la hiérarchie, qui exerce la mission apostolique donnée par le Christ lui-même aux Apôtres et transmise par eux-mêmes aux évêques, aux prêtres (presbytres, du grec presvýteros) et aux diacres (I Tim 3:1-13, 5:17-19).  Dans les textes sub-apostoliques (Ignace d’Antioche, Irénée de Lyon, etc.), les témoignages sont clairs et unanimes que la transmission apostolique a été respectée scrupuleusement dès le commencement de l’Eglise.  Irénée, dans son Adversus hæreses explique qu’il fut ordonné évêque par Polycarpe de Smyrne, qui fut ordonné par Saint Jean l’Evangéliste.

Au cours de l’histoire de l’Eglise, des problèmes importants sont apparus qu’il a fallu résoudre.  Comment prendre une décision ?  L’Eglise orthodoxe, ici encore, est restée fidèle à l’usage biblique et apostolique.  Le Christ nous a dit, « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des siècles » (Mt 28:20) ;  il n’a donc nul besoin de vicaire car, lui-même, il est ressuscité et il vit dans son Corps, l’Eglise.  En outre, l’Esprit Saint a été donné aux Apôtres et à leurs successeurs pour les guider en toute vérité (Jn 16:13).  Ainsi, les problèmes doivent être résolus conciliairement, comme on le voit clairement à l’exemple des Apôtres eux-mêmes en Actes 15:1-29.  Réunis en Concile, les Apôtres ont pu dire : « Il a paru bon à l’Esprit Saint et à nous… ».  Ce modèle conciliaire s’est conservé jusqu’à nos jours dans l’Eglise orthodoxe.

Pour conclure :  l’Eglise est le Corps du Christ (I Cor 12:12), elle est une (Mt 16:18 ; Eph 4:4), et elle a préservé la foi unique (Eph 4:5) sans changement depuis sa fondation jusqu’aujourd’hui.  L’initiation des membres de ce Corps du Christ vivant se fait par le baptême (par immersion, signifiant la mort et la résurrection avec le Christ) ;  ils sont ensuite scellés dans la chrismation et nourris par l’eucharistie dans laquelle nous devenons membres du Christ et les uns des autres.  Tous les membres sont d’honneur égal, mais tous ne jouent pas le même rôle.  La hiérarchie de l’Eglise est d’origine divine.  Les grandes décisions sont prises en concile pour consulter l’Esprit Saint, qui vit dans l’Eglise, pour que jamais ne soit altéré le dépôt vivant de la Tradition divine.  « Ô Timothée, garde le dépôt ! » dit Saint Paul (I Tim 6:20) ; «  – la chose précieuse qui t’a été confiée, garde-la par l’Esprit Saint qui vit en nous » (2 Tim 1:13-14).

higoumène André (Wade), Belfort, France
novembre 2000

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