Orthodoxes à Paris![]() |
![]()
|
Aspects liturgiques du mariageConférence donnée le 1 juin 2000 en la Cathédrale Saint-Alexandre Nevsky à Paris Introduction historiqueComme pour l’onction des malades, la confession, l’ordination et, dans un moindre degré, pour les autres Mystères, nous disposons de peu de témoignages historiques directs pour la célébration liturgique du mariage jusqu’au 8ème siècle. Ceci peut être pour diverses raisons : parce que l’office n’est qu’une invention tardive – c’est le cas de la confession, et quelques auteurs prétendent de même pour le mariage – ; parce que les célébrants étaient analphabètes où extemporisaient les prières sur un modèle généralement accepté – c’est le cas de l’anaphore eucharistique – ; et ensuite, quand des euchologes commençaient à être rédigés, les manuscrits étaient très vite usés par le besoin constant. Ce n’est que des éditions « de luxe » qui nous sont parvenus à partir du 8ème siècle. Il faut aussi mentionner le fait que l’histoire liturgique du mariage a été fort peu étudiée. Néanmoins, il y a quelques références dans la littérature patristique qui suggèrent que le mariage était accompagné de prières et de rituels spécifiques. Il faut admettre que le doute plane sur la réalité d’un ordo universellement accepté dans les premiers siècles. Dans la Lettre de Diognet, nous lisons : « les chrétiens se marient comme tous les autres aussi ».1 Mais déjà au tout début du 2ème siècle, Saint Ignace d’Antioche complète cette information, quand il dit que les chrétiens se marient comme tous les autres, mais « avec l’assentiment de l’évêque », afin que « le mariage soit conforme au Seigneur et non à la concupiscence ».2 Malheureusement pour les liturgistes que nous sommes, Ignace ne dit rien sur les modalités liturgiques ou autres de cet assentiment.3 Très contesté est un passage chez Tertullien : quod ecclesia conciliat et confirmat oblatio et obsignat benedictio, angeli renuntiant, pater rato habet (« Dieu le Père accepte comme valide ce que l’Eglise réconcilie et confirme, ce que l’offrande et la bénédiction scellent, ce que les anges proclament »).4 Pour résumer l’opinion des spécialistes, Ritzer rejette l’hypothèse d’une liturgie ecclésiale du mariage ; Crouzel5 croit en voir la présence ; Martimort6 et la majorité des autres considèrent que la question demeure sans réponse. Se réclamant de Vogel7, Kleinheyer voit dans la bénédiction du mariage effectuée, dans les appartements nuptiaux, par l’apôtre Thomas, et telle qu’elle est décrite dans les actes gnostiques de cet apôtre, l’indice d’une forme chrétienne primitive de célébration du mariage (plus ancienne sans doute dans les cercles gnostiques que dans les grandes Eglises).8 Dans la grande Eglise se développent finalement deux conceptions différentes : pendant que l’Occident, depuis la controverse d’Hippolyte avec Calixte au sujet de la reconnaissance ecclésiale d’une union déclarée illégitime par l’Etat et au sujet de la création corrélative d’un droit matrimonial propre à l’Eglise, reste fidèle au principe du consensus facit nuptias – « le consentement fait les noces » - (en fonction duquel l’action liturgique est plutôt secondaire, et ce jusqu’à la non-liturgique sanatio in radice – « l’assainissement à la racine » - , c’est-à-dire la dispense de toute forme de célébration liturgique du mariage, principe maintenu encore aujourd’hui par l’église romaine) et considère le couple nuptial comme étant celui qui confère le sacrement du mariage, l’Orient voit dans le prêtre celui qui confère le Mystère, prêtre qui, à la faveur d’un acte liturgique (par conséquent indispensable), élève le mariage naturel – né de la volonté nuptiale des fiancés – à la réalité surnaturelle du Mystère, en vertu d’une épiclèse ou « consécration ». Cette distinction est essentielle pour toute l’évolution de la liturgie du mariage en occident et en orient. Très tôt, les Latins ont eu une conception surtout légaliste du contrat devenu ipso facto – « du fait même » - sacrement, tandis que les Orthodoxes considèrent que le mariage, comme tout autre Mystère, est conféré par l’épiclèse consécratoire. Il est intéressant de noter qu’encore en 866 le pape Nicolas 1er de triste mémoire, dans sa missive didactique aux Bulgares, considère que la forme ecclésiale de célébration du mariage n’est qu’un droit honorifique, en contraste avec les Grecs, qui la considéraient constitutive. Si cette célébration liturgique pouvait être considérée comme seulement un droit d’honneur dans les patriarcats orientaux avant le 4ème siècle, il devint alors un « devoir d’honneur », pour emprunter l’expression de Ritzer. Ce faisant, l’officiant empruntait au père de la mariée l’’έκδοσις, la remise de la mariée au marié par le geste de la main tendue. A l’évêque ou, selon le cas, le presbytre, incombait la prière de bénédiction, et pour le moins concevable était le fait qu’il procédât aussi au couronnement des époux – encore que Grégoire de Nazianze proteste contre cette prérogative qu’il eût souhaité voir confiée au père de la mariée. Le couronnement est une coutume nuptiale d’origine païenne, qui fut rejetée par Tertullien, et qui ne devint « complètement présentable » dans la liturgie chrétienne du mariage qu’à partir de sa réinterprétation chrétienne depuis Saint Jean Chrysostôme.9 Le rite du mariage actuellement en vigueur dans l’Eglise OrthodoxeNous possédons deux textes de l’euchologe datant d’avant l’iconoclasme : le manuscrit Barberini 336, du 8ème siècle, un euchologe patriarcal ou impérial de l’Italie méridionale, provenant de Constantinople10, et le codex de Porfiriy Uspenkiy, Leningrad 226, du 9ème siècle, un euchologe presbytéral.11 Ces manuscrits, et tous les autres, plus tardifs, contiennent déjà le rituel contenu dans nos livres liturgiques contemporains. Le rituel comporte deux rites : le contrat, et le mariage ou couronnement. Le « contrat » est un rite familial. Les manuscrits l’appellent Mνήστρα (expression grecque signifiant se procurer une femme). Les prières démontrent que c’est plus un contrat que des fiançailles. A l’époque romaine, cette cérémonie constituait déjà une obligation, bien que le couple ne cohabitât pas. Parce que cette obligation est reconnue par notre droit canon, le contrat n’est jamais célébré séparé du couronnement.12 S’il l’était, et le mariage n’était pas célébré par la suite, le couple devrait engager une procédure de divorce ecclésiastique pour retrouver leur liberté. Le deuxième rite est appelé Γάμοι (mariage) dans le manuscrit de Barberini ou Στεφανωμα (couronnement). Le symbole du couronnement indique l’âge adulte de la femme et sa capacité de donner naissance. Il équivaut à la velatio – « l’imposition du voile » - dans la culture romaine. Chez les slaves, par l’influence latine de Saint Pierre Moguila, nous trouvons le consentement ici. Il fait défaut chez les Grecs, qui n’ont que le rite religieux. Le consentement était un point caractéristique des noces païennes romaines. Il y a eu, en effet, des influences provenant des lois civiles. En 538, Justinian reconnut un mariage auquel était présent le defensor civitatis (c.-à.-d., l’évêque). Nous avons vu que pour le pape Nicolas 1er en 866, la célébration ecclésiastique du mariage n’était qu’un droit honorifique, mais au 9ème siècle un autre pape, Léon VII, décréta que tout mariage fait sans la bénédiction de l’église était nul. En 1081, Alexis Comnène établit que toute promesse était définitive. Le « contrat » de notre rite correspond peut-être à cette promesse définitive. Les manuscrits patriarcaux post-iconoclastes Coislin 213 (1027), Bessarion (Grottaferrata ΓβI) (11ème-12ème [?] mais reflétant une tradition plus ancienne) et Ath. 662 (13ème) donnent le titre « contrat des rois et des autres hommes », ce qui donne l’impression d’un rituel facultatif, aristocrate. La litanie du « contrat » est remarquable pour la demande d’enfants – déjà ! La litanie est absente dans le Codex Barberini. La prière qui suit ne dit vraiment rien, mais la prière d’inclination de la tête qui suit demande à Dieu d’unir les deux personnes. Le Codex Barberini n’a pas les anneaux, qui sont présents dans les autres manuscrits, mais sans le formule. L’anneau de l’homme est en or, symbole du soleil, la fertilité masculine ; celui de la femme est en argent, symbole de la lune, la fertilité féminine. Le « contrat » termine avec une longue prière qui ne se trouve en aucun des manuscrits constantinopolitains. Elle est une concordance biblique sur des anneaux, sans grande pertinence, agrémentée d’autres références bibliques plutôt hors sujet. A la fin du « contrat », plusieurs manuscrits prévoient la communion présanctifiée, et de nouveau après le couronnement. Les deux rites étaient donc célébrés des jours différents, et le soir. A Constantinople, le mariage devait toujours être célébré après la Divine Liturgie. Syméon de Thessalonique dit – encore au 15ème siècle – que le contrat doit avoir lieu devant les Saints Dons. La communion présanctifiée était prévue pour le mariage et le couronnement de l’Empereur. Le rite du couronnement commence avec un psaume responsorial (psaume 127), élément typiquement constantinopolitain, mais absent des manuscrits. La bénédiction « Béni est le royaume… » copie le début de la Divine Liturgie, où elle apparaît pour la première fois au 12ème siècle. La litanie prie, cette fois, pour des enfants des deux sexes. Nous arrivons maintenant aux trois prières du mariage mais, ô surprise, la première prière ne se trouve que dans un seul manuscrit, le Leningrad 226 du 9ème siècle. Elle n’est pas d’une tradition parfaitement constantinopolitaine. La deuxième prière est absente de tous les manuscrits. Elle énumère un grand nombre de mariages bibliques. C’est la troisième prière qui est importante. Elle apparaît en tous les manuscrits comme première prière, y compris en Leningrad 226, où elle précède l’autre prière. Le verbe « couronner » apparaît dans cette prière avec la signification de lier : « couronne-les dans une seule chair » (les manuscrits disent : « couronne-les dans l’amour, unis-les dans une seule chair »). Le verbe grec στέφω, στεφανύω, signifie « lier » ou « couronner ». Est-ce que le prêtre les lie, ou les couronne ? Dans la tradition serbe, le prêtre lie les mains du couple avant le chant des tropaires. De toute façon, le couronnement était toujours à ce point. Les formules ne se trouvent pas dans les manuscrits, mais le prêtre les couronnait et liait leurs mains. La formule était « Seigneur notre Dieu, de gloire et d’honneur couronne-les ». Les lectures qui suivent, bien que très didactiques, détruisent le lien entre la prière « 3 » et celle qui suit la litanie « disons tous » après l’évangile. Les lectures se trouvent déjà dans le manuscrit Sinaï 958 (10ème siècle), mais elles ne proviennent pas de Constantinople. Après l’évangile nous avons une brève litanie insistante, et une prière d’inclinaison de tête très importante, qui est complémentaire à la prière « 3 » du mariage. C’est une bénédiction nuptiale. Le contenu combat tout manichéïsme entraînant une diffidence envers le mariage. Il y a des prières pour le couple et une bénédiction. Ensuite, la litanie continue, hors sujet, avec l’ « ange de paix » qui, nous dit Saint Basile dans sa Lettre 6 sur les vêpres, doit nous conduire sains et saufs à la maison. Ceci nous mène au « Notre Père », signe de la communion imminente. Cette prière a été introduite dans la Divine Liturgie au 4ème siècle, au tout début de la crise de la communion, à cause de la demande « pardonne-nous nos offenses », comme absolution avant la communion. C’était ici la communion présanctifiée, avec l’exclamation « les dons présanctifiés aux saints ». Notre plus ancien manuscrit, le Codex Barberini, contient le rubrique « il leur donne la communion ». Ensuite nous avons la prière sur la coupe commune – c’est ainsi qu’elle s’appelle dans tous les anciens manuscrits sauf chez Barberini, qui n’a qu’un seul calice, suivant la plus ancienne tradition. Plusieurs manuscrits ont les deux calices, plusieurs autres – et le rite moderne – ont seulement le deuxième. Coislin 213 (1027) prévoit un calice en verre qui est ensuite brisé. Cette tradition subsiste chez les Grecs. Suivent les trois tropaires « Isaïe, exulte », « Saints Martyrs » et « Gloire à toi, Christ Dieu », qui ne se rapportent que peu au mariage – d’ailleurs les mêmes textes se chantent aux ordinations. Cette « danse rituelle » ne se trouve pas dans les manuscrits. C’est le début du cortège nuptial pour se rendre à la nouvelle maison. La danse rituelle autour d’un symbole de la fertilité a été christianisée pour se dérouler autour de l’Evangile. Après ceci, le prêtre enlève les couronnes, en encourageant les époux à procréer. Il reste deux prières : « Ô Dieu, notre Dieu… », et « Le Père, le Fils et le Saint Esprit… ». La première est absente de tous les manuscrits classiques bien qu’elle ressemble à une prière dans Leningrad 226 (9ème siècle). Elle contient la demande remarquable que les couronnes soient emportées au ciel. Peut-être provient-elle de l’Italie méridionale ? Quant à la prière d’inclinaison de tête, elle aussi est absente des manuscrits importants. Son début, qui nomme la Trinité, n’est pas conforme à la tradition. Elle est sans doute très récente. Le congé n’apparaît pas dans les manuscrits. L’euchologe ajoute une double prière pour enlever les couronnes le huitième jour. Ceci présume une cohabitation de huit jours, sans rapports par peur du démon. Dans les manuscrits de Bessarion, Coislin et Ath. 662 il s’agit d’un rite facultatif à célébrer à la maison. La deuxième prière est très récente, et son premier mot est une faute de lecture : le texte commence « Σύμφωνα », mais devrait être « Nύμφωνα » (chambre nuptiale). Pour terminer cette section, il sera peut-être intéressant d’énumérer les éléments contenus dans notre plus ancien manuscrit, Barberini 336 du 8ème siècle : Contrat : les deux prières « Ô Dieu éternel… » et « Seigneur notre Dieu… », seulement. Observations pastoralesMalgré l’intérêt de ces recherches, il n’est pas souhaitable d’imposer un rite archéologique, “historiquement correct” sur nos fidèles. Nous devrons célébrer scrupuleusement l’office prévu par les livres liturgiques russes. Il est très souhaitable d’obéir aux rubriques qui prévoient la célébration le dimanche directement après la Divine Liturgie, ainsi permettant au couple de communier juste avant leur mariage, et d’incorporer la célébration de cette façon à l’eucharistie du Corps du Christ, qui est la communauté. Ceci soulève la question de la célébration du mariage combinée avec la Divine Liturgie. Cette solution grotesque – car je la considère comme telle – se trouve proposée par le plus récent Euchologe d’Athènes, et recommandée par le grand liturgiste et théologien que fut le Père Alexandre Schmemann, suivi du grand historien de Byzance que fut le Père Jean Meyendorff dans son livre sur le mariage. Je m’insurge contre ceci pour des raisons théologiques, historiques et liturgiques. D’où provient ce phénomène ? Dans le Euchologion, sive Rituale Græcorum du Dominicain J. Goar, imprimé à Venise pour la première fois en 1525/6, nous trouvons cet hybride (qui, essentiellement, remplace les trois prières des trois antiennes de la Liturgie par les trois prières du mariage et remplace les lectures de la Liturgie par celles du mariage) avec la mention ex antichissimo codice Barberini – « du (ou d’un) très ancien manuscrit de Barberini ». Ceci devrait nous enseigner à tous qu’il faut toujours vérifier les références. Il ne s’agissait en effet pas du codex 336 du 8ème siècle, mais du codex 338, très latinisé, provenant de Santa Severina en Calabre, datant du 16ème siècle, et ne représentant aucune tradition classique. Dans une grande paroisse, si on suit systématiquement ce système pour les mariages, le rituel mixte colonisera toutes les Liturgies de dimanche de la communauté. On devra écouter les lectures du mariage tous les dimanches. Les lectures des dimanches seront omises ou étouffées par les festivités des noces. Si on suit le Père Alexandre, on ferait quelque chose de semblable avec le baptême aussi, avec des résultats liturgiquement incroyables si tous les dimanches on avait la Divine Liturgie combinée avec le baptême et le mariage, pour ne pas parler des sempiternelles lectures du mariage et du baptême, sans omettre les lectures du dimanche et éventuellement des fêtes qui tombent un jour de dimanche. A l’exception du codex de Santa Severina, il n’y a pas d’évidence qui montre qu’on ait jamais procédé de cette manière dans l’histoire de l’Eglise. Et si on dit que ce ne serait que pour des cas exceptionnels, quels seront les critères employés pour exclure les cas « non exceptionnels », les mariages et les baptêmes « ordinaires » ? Je propose donc qu’on célèbre les baptêmes avant la Liturgie et les mariages après la Liturgie, et que les néophytes et les futurs époux communient avec toute la communauté, tous ensemble. Célébration de mariages mixtes : orthodoxe-catholique, orthodoxe-protestant.Comme nous l’a rappelé le Père Nicolas Osoline ici-même il y a quelques années, les canons interdisent de tels mariages et exigent même que s’ils ont été célébrés, ils soient dissous. Dans la pratique, l’évêque exerce l’économie et permet des mariages avec des chrétiens baptisés provenant d’autres églises. Mais l’économie s’arrête là. Aucun changement ne doit être admis dans le rituel, aucune participation active tolérée d’un ministre d’une autre église, aucun soupçon de concélébration. Le canon apostolique 45, ratifié par le 2ème canon du 6ème concile œcuménique, dit : « Qu’un évêque, presbytre ou diacre qui a prié seulement avec les hérétiques soit excommunié, mais s’il leur a permis d’officier liturgiquement de quelque manière, qu’il soit déposé. » Il faut aussi rappeler que les Orthodoxes doivent recevoir les Mystères dans leur Eglise, et jamais – sous peine d’excommunication – dans une autre église. Ceci est valable pour le mariage aussi, nonobstant l’économie qui est parfois appliquée très libéralement. S’il est inévitable qu’un mariage catholique ou protestant soit célébré, par pression de la famille, il reste indispensable que le mariage orthodoxe soit célébré entièrement. Nous n’avons pas le droit d’omettre le « contrat ». L’idée expérimentée en France et ailleurs de faire le mariage catholique-romain à la place du « contrat » et ensuite de célébrer le seul couronnement orthodoxe est, à mon avis, mauvaise. Sans le dire explicitement, cela annonce aux Catholiques : « Votre mariage n’est qu’un contrat, de simple fiançailles. Après, nous célébrerons le vrai mariage ! ». Il faut rappeler que les Protestants ne considèrent pas le mariage comme un sacrement, mais comme un simple rendement de grâces à Dieu : le mariage, lui, se fait à la mairie.13 Quant aux Catholiques, les évêques concèdent une « dispense de forme » pour que leurs fidèles puissent en toute légalité être mariés dans l’Eglise orthodoxe, chose inconcevable pour nous dans le cas invers. Quel office pour un mariage orthodoxe-non baptisé ?Non seulement ne peut un tel mariage pas être célébré, l’Orthodoxe qui contracterait un tel mariage est excommunié tant que le mariage subsiste, du moins, en appliquant les canons à la lettre. Office du second mariageIl faut noter que l’Eglise ne fait pas beaucoup de distinction entre le remariage des veufs et le remariage des personnes divorcées. Un deuxième mariage est toléré, mais pas en soi recommandé. On ne peut pas être marié plus de trois fois. Les livres liturgiques contiennent des indications pour les deuxièmes mariages. Le rituel est le même que pour les premières noces, avec les exceptions suivantes : à la place de la longue prière à la fin du « contrat », il y a deux prières (la deuxième avec inclinaison de la tête) pénitentielles demandant l’indulgence de Dieu. Ensuite on passe directement à la prière « 3 » du couronnement, et on suit le même rituel que pour un premier mariage de là jusqu’au congé final. L’usage contemporain dans l’Eglise de Russie est de ne pas couronner le couple durant cette célébration en cas de secondes noces, bien qu’il soit d’usage de les couronner si l’un d’eux n’a pas été marié avant. Dans l’euchologe grec nous trouvons un chapitre à ce sujet, qui commence : « Chapitre de Nicéphore Patriarche de Constantinople, le Confesseur. Les digames (c.-à.-d. ceux qui célébrent de secondes noces) ne sont pas couronnés, mais ils reçoivent une épitimie de ne pas communier aux très-purs Mystères durant deux ans, et les trigames durant cinq ans. » Cette décision est complétée par un texte plus long, intitulé : Du decret du bienheureux Nicétas Métropolite de Héraclée, de ce qui est adressé à l’Evêque Constantin. L’essentiel de ce texte est que par application stricte (acribie), les digames ne sont pas couronnés, mais que la Grande Eglise les couronne quand même, leur imposant seulement un ou deux ans d’exclusion de la sainte communion. Le texte finit avec une référence au 7ème canon de Néocésarée (315), qui dit : « Un presbytre ne doit pas être l’invité aux noces de personnes qui font un deuxième mariage ; car, étant donné que le digame est digne de pénitence, quel genre de presbytre sera-ce qui, par sa présence à la fête, aura sanctionné un tel mariage ? » Je me permettrai néanmoins de citer le canoniste Zonaras qui dit : « Bien qu’on trouve ceci dans nos écrits, nous avons pourtant nous-mêmes vu le Patriarche et les Métropolites présents à la fête des deuxièmes noces de l’Empereur ». Ceci montre que si l’acribie est un idéal vers lequel nous devons tendre, l’Eglise exerce aussi l’économie dans le souci que le salut de l’individu passe toujours devant la lettre de la loi. NOTES: 1 Diognet-Brief, 5,6 – ed. K. Wengst, Schriften des Urchristentums II (Darmstadt, 1984) p. 318. 2 Ad Polycarpum 5,2, in PG 5, 868 A. 3 Les observations suivantes sont empruntées à Michael Kunzler, La Liturgie de l’Eglise (Editions Saint-Paul, 1995). 4 Ad uxorem II, 8,6 – CChr SL 1, 393. 5 H. Crouzel, Deux textes de Tertullien concernant la procédure et les rites du mariage chrétien in BLE 74 (1973) pp. 3-13. 6 A.G. Martimort, Contribution de l’histoire liturgique à la théologie du mariage in Notitiæ 14 (1978) pp. 513-533. 7 C. Vogel, Le rôle du liturge dans la formation du lien conjugal in RDC 30 (1980) pp. 7-27. 8 Kleinheyer, Riten p. 82. 9 Kleinheyer, Riten pp. 100-110. 10 décrit par Strittmatter in Eph. Lit., 1933. 11 décrit par Jacob in Le Muséon 1965. 12 Une exception se trouve dans la pratique du Patriarcat d’Antioche. 13 Communication personnelle des pasteurs Michel Jas et Franck Bergeron.
Orthodoxes à Paris ! un site des orthodoxes de toute juridiction canonique en France |